SOS Crapauds
Colli euganei, Italie
Ce moi ci je vais aider les crapauds durant leur migration avec l’association LIPU (Lega Italiana Protezione Uccelli), équivalent de la LPO en Italie .
La structure
Créée en 1965, La LIPU est une association nationale italienne pour la conservation de la nature, la protection de la biodiversité et la promotion de la culture écologique en Italie.
Avec 30 000 adhérants, une 100aine de délégations locales, près de 600 bénévoles actifs, une 10aine d’opérateurs, techniciens, éducateurs, la LIPU est un point de référence pour la défense de la nature en Italie. Chaque année, ils soignent plus de 15 000 animaux sauvages en détresse dans leurs nombreux centres de sauvegarde répartis partout dans le pays. Ils gèrent 30 réserves où la nature est protégée.
Les crapauds en migration
Chaque année, à la fin de l’hiver, la saison des amours se fait sentir chez les crapauds communs. Ils se regroupent par 10aines, voir par 100aines pour se reproduire. Ils sortent des bois où ils vivent tout au long de l’année pour se diriger vers des points d’eau où ils pourront s’accoupler et pondre leurs œufs. Certains couples se forment le long du trajet. Les femelles ont le ventre gonflé d’œufs. Les mâles, plus petit que les femelles, choisissent une partenaire, grimpent sur son dos et s’y agrippent fermement. Ils se feront ainsi transporter sans peine jusqu’au site de reproduction. Il n’est pas rare de voir plusieurs mâles essayer de s’agripper à une même femelle, ce qui donne en général des situations comiques où 4 ou 5 crapauds se superposent. En l’espace de quelque jours, ce sont donc des 100aines de crapauds qui se déplacent, seuls ou en couple, et qui trouvent sur leur trajet des obstacles parfois infranchissables. L’urbanisation et le réseau routier sont les plus grands dangers que ces petits amphibiens vont rencontrer durant leur route. Ils vont devoir longer des murs jusqu’à trouver un accès s’il y en a, passer à travers des grillages, se laisser tomber de murets, éviter les bouches d’égout, traverser des routes sans se faire écraser, arriver à franchir le trottoir s’il y en a, … pour atteindre la marre où ils pourront enfin se reproduire.
Là, après quelques bagarres entre mâles, les derniers couples se forment. La femelle pond ses 5000 à 7000 œufs dans l’eau, reliés les uns aux autres par deux longs cordons. Le mâle féconde les œufs dès leur ponte. Une fois leur travail terminé, ils vont attendre quelques jours avant de se séparer et retourner d’où ils viennent, dans les bois. Ils doivent alors refaire tout le chemin en sens inverse, la route, les voitures, les trottoirs, les murs et murets infranchissables, les grillages… S’ils se retrouvent bloqués sans abris jusqu’au lendemain, ils mourront desséchés au soleil.
Dans certaines zones où le trafic est intense et où il y a des murs infranchissables sur 500m, il est difficile d’imaginer que les crapauds puissent mener à bien leur migration sans aucune aide… C’est là que la LIPU intervient.
Mon expérience de bénévole
J’ai rejoint l’équipe de bénévoles de la LIPU suite à une annonce que la délégation locale de Padova a postée sur sa page Facebook pour venir en aide aux crapauds pendant la migration. Cela fait maintenant de nombreuses années que ce petit groupe de bénévoles aide les crapauds à traverser les routes qui leur font obstacle à la sortie de l’hiver. De nombreuses années également qu’ils travaillent avec la direction du parc naturel régional des Colli Euganei pour aménager les zones où traversent les crapauds. Des grillages ont été installés le long des routes pour éviter qu’ils ne traversent, des panneaux ont été mis sur les routes pour avertir les automobilistes, des passages ont été faits pour qu’ils traversent (crapoducs), des tractes ont été distribués chez les habitants pour qu’ils soient prudents, etc…
Malheureusement, tout ceci ne suffit pas à arrêter l’hécatombe, et une aide humaine sur le terrain est nécessaire tous les soirs pour faire traverser les crapauds bloqués derrière les filets de protection. Une 20aine de personnes se relaient chaque soir, par petits groupes de 2 à 5 bénévoles, pour parcourir les zones sensibles et faire traverser les crapauds.
Concrètement, on inscrit sur un document en ligne nos disponibilités et on se retrouve tous sur le lieux de rendez-vous entre 18h30 et 20h selon les jours. Équipés de lampes torches, de gants, d’un seau et d’un gilet réfléchissant, nous n’avons plus qu’à scruter les bords de la route de long en large pour trouver des crapauds. Ceux ci ne sont d’ailleurs pas si faciles à voir dans le noir, même avec une lampe de puissance moyenne, ils se confondent facilement avec les feuilles mortes ou les pierres. Nous devons faire très attention à où nous posons nos pieds !
Quand on les trouve, toute la difficulté est de savoir où ils veulent aller. Veulent-ils se rendre vers les points d’eau pour se reproduire, ou bien retournent-ils vers les bois. Nous nous fions le plus souvent à la direction qu’ils semblent prendre, mais celle-ci n’est pas toujours évidente à estimer. Ils sont parfois immobiles ou bien ne vont dans aucune des deux directions. Ils sont parfois immobiles en bas d’un muret : viennent-ils d’en tomber ou bien cherchent-ils à remonter ? Nous avons quelques techniques qui nous permettent souvent d’en avoir le cœur net. Si la femelle est bien ronde ou qu’elle a un mâle sur le dos, il y a de grandes chances qu’elle aille vers l’étang. Si au contraire elle a le ventre bien creux, elle retourne vers les bois. Par contre pour les mâles seuls, rien de si évidant mais il semblerait que les mâles « chantants » seraient sur la route des amours… Malgré tout, il nous est surement arrivé de nous tromper parfois car des indices peuvent nous tromper. Il n’est pas rare de trouver un mâle agrippé à une femelle déjà vide, ou bien de voir une femelle vide gonfler son ventre par peur.
Les jours de pluie sont les plus intenses, les crapauds sortent par 100aines, parfois dans les deux sens si nous sommes en plein milieu de la saison de migration. Ils arrivent souvent à passer par dessus le grillage de protection. Dans certaines zones, il n’y en a même pas. A peine nous venons de passer à un endroit que de nouveaux crapauds arrivent. Ça devient alors très compliqué et nous ne pouvons malheureusement pas sauver tous les crapauds. De nombreux se font quand même écraser par les voitures qui passent…
A la fin de la migration, lorsque plus aucun crapaud ne va vers les étangs et qu’ils retournent tous vers les bois, nous remontons les filets de protection afin qu’ils puissent poursuivre leur route sans obstacle.
Les soirées se terminent généralement entre 22h et 23h selon l’abondance des crapauds. Nous contrôlons une à deux zones par soir.
Durant ce mois et demi de migration, nous avons permis à près de 3000 crapauds de traverser !
Aider les Crapauds
Voici quelques petites choses que vous pouvez faire ou ne pas faire pour éviter de nuire aux crapauds tout au long de l’année :
- Éviter d’utiliser des produits chimiques dans le jardin.
- Installer des abris pour l’hiver (tas de pierres, de bois ou de feuilles…).
- Laisser un coin du jardin au naturel, où ils pourront trouver refuge et éviter les lames de la tondeuse.
- Ne jamais déplacer les crapauds, fidèles à leur lieu de naissance, ils tenteront toujours de revenir à leur source.
- Être très prudent sur la route pendant les périodes de migration.
- Informer les associations locales de protection de la nature des zones de migration des crapauds.
Devenir bénévole pour les Crapauds
Si vous souhaitez vous aussi aider les crapauds durant leur migration en février/mars, vous n’êtes pas obligés de venir en Italie, les crapauds migrent dans toute la France et de nombreuses associations locales vous proposerons de les aider chaque année. Voici une petite liste non exhaustive :
- en Ile de France : amphibiens natureparif
- un peu partout en France avec la LPO
- le site sauvez les grenouilles recense des zones d’action dans l’Ain et la Haute Savoie
- (27) asalf levriere
- (35) La Parvole
- (38) LPO Isère
- (77) association RENARD
- (78) cerf78, Crapaudrome De Guiperreux
- (74) faverges
- (91) CPN val de juine
- Bourgogne Nature
Si vous en connaissez d’autres, n’hésitez pas à partager 🙂
Le matériel nécessaire
Pour aller aider les crapauds lors de leur migration, vous aurez besoin :
- d’un gilet réfléchissant, l’action se déroulant souvent la nuit sur des routes non éclairées
- d’une paire de gants en plastique
- d’un grand seau à fond plat
- d’une lampe frontale et/ou lampe torche, 120 lumens dans l’idéal
- d’un carnet, magnétophone ou smartphone pour noter le nombre de crapauds trouvés au fur et à mesure
- de vêtements chauds, c’est encore l’hiver et les nuits sont parfois bien froides
- de vêtements imperméables s’il pleut
- de bottes ou autres chaussures imperméables qui ne craignent pas la boue
Voici un document récapitulatif édité par l’ASPAS : Comment protéger nos amphibiens