Picardie Nature
Baie de Somme
Au mois de juillet, j’ai passé 2 semaines en baie de somme pour une mission d’éco-volontariat auprès des phoques. Ce fut court mais très instructif et j’ai pu expérimenter la plupart des tâches confiées aux bénévoles.
la structure
Picardie Nature existe depuis 1970. C’est une association fédérative régionale de citoyens qui :
œuvrent à la connaissance de la biodiversité,
agissent en protégeant des espèces ou milieux menacés,
interviennent pour le respect de la réglementation,
militent pour la prise en compte de l’environnement dans les projets d’aménagement,
contribuent à l’éducation et à la sensibilisation pour la protection de la nature et de l’environnement en Picardie.
Picardie Nature est membre de France Nature Environnement et de l’Union Française des Centres de Sauvegarde (UFCS).
Sa mission
Je ne parlerai ici que du pôle Phoques de l’association, qui n’est qu’une petite partie des actions de Picardie Nature.
Depuis 1986, Picardie Nature mène un programme d’étude et de protection des phoques de la baie de Somme. Deux espèces de phoques fréquentent actuellement la baie : le Phoque veau-marin et le Phoque gris qui sont des espèces protégées. Les études menées permettent d’appréhender l’évolution des populations, la dispersion des animaux au travers de leur zone d’habitat ainsi que leur régime alimentaire. Les actions sont menées dans le but de maintenir une population viable de phoques, en empêchant les dérangements trop fréquents et les actes de braconnage. Pour cela, deux axes sont mis en place, chacun d’entre eux faisant appel à l’aide d’éco-volontaires :
- Le sauvetage des jeunes échoués séparés de leur mère
- La surveillance estivale de la colonie pour éviter les dérangements et sensibiliser les usagers de l’estuaire
Cet été 2014, 80 jeunes sont nés en baie de Somme, parmi eux : deux ont été retrouvés morts et treize échoués vivants ont intégré au centre de sauvegarde de la faune sauvage. Nous avons dénombré au maximum 394 Phoques veaux-marins et 149 Phoques gris, émergés sur les reposoirs de marée basse en baie de Somme ce début d’été.
La situation des phoques en baie de somme
Aussi loin que nous pouvons remonter, il semble qu’il y ait toujours eu des phoques en baie de Somme. Néanmoins, suite à la chasse, ils avaient fini par disparaitre à la fin du 19ème siècle. Ce n’est que dans les années 80 que les phoques ont commencés à revenir dans la zone. Depuis, chaque année leur population est en augmentation. Beaucoup de gens pensent alors que leur place n’est pas normale ici et qu’ils sont trop nombreux. Contrairement à une idée reçue largement diffusée par les médias disant que les phoques sont des animaux de grand froid, en réalité seule la moitié des espèces de phoques vivent aux pôles. Les autres vivent dans des zones tempérées voire même tropicales. Le phoque veau marin est un animal qui vit en milieu estuarien sablonneux, donc totalement adapté à la vie en baie. De plus, comparé aux effectifs anglais (~130 000 phoques), leur nombre en France (quelques 100aines) est ridicule et la population finira naturellement par se stabiliser par rapport à l’espace et à la nourriture disponible dans la baie.
Certaines personnes pensent également à tors que les animaux présents dans l’estuaire sont toujours les mêmes et qu’ils y passent leur vie. Bien que certains individus soient sédentaires, les études de suivi avec des animaux balisés ont démontrées que ce n’est pas le cas, que les animaux se déplacent d’un estuaire à l’autre le long de la côte, certains font même des allers retours en Angleterre et que la population est en constant mouvement. Il n’y a pas réellement de phoques de la baie de Somme mais des phoques européens de passage.
Malheureusement, il existe des tensions entre pêcheurs et phoques. Ce ne sont pas des pêcheurs professionnels, mais des pêcheurs plaisanciers qui se plaignent de la présence des phoques qui viendraient manger les poissons dans leurs filets et détériorer leur matériel. Différentes solutions leur ont été proposées comme la mise en place d’un système de protection des filets ou tout simplement de changer régulièrement les filets de place mais les pêcheurs semblent peu enclins à changer leurs habitudes pour une bonne cohabitation avec les phoques.
Mon expérience d’écovolontaire
J’ai eu la chance de pouvoir expérimenter les deux missions d’écovolontariat que propose Picardie Nature d’affilé : une semaine au centre de sauvegarde à m’occuper des bébés phoques et une semaine dans la baie à observer/protéger la colonie. Voici mon témoignage.
L’annexe phoques du centre de sauvegarde
Le centre de soins a été obligé de fermer ses portes fin 2016. Cette partie de la mission n’est plus disponnible.
La semaine que j’ai passée en tant que bénévole à l’annexe Phoques du centre de sauvegarde de Picardie Nature a été très enrichissante. J’ai appris beaucoup de choses sur les phoques et le soin animalier en général. Nous étions deux écovolontaires à venir aider les soigneurs à s’occuper des bébés phoques. Ceux ci ont été retrouvés échoués, séparés de leur mère. Cela arrive souvent lors de mauvais temps ou de dérangement humains. S’ils n’étaient pas pris en charge par le centre, ils seraient condamnés.
Camille et moi nous sommes installées dans les locaux qui jouxtent le centre. Les journées sont divisées en deux : il y a une équipe du matin (6h30-13h30) et une équipe du soir (14h-22h) chacune composée d’un soigneur animalier et d’un écovolontaire. J’étais du matin. La journée commence par la préparation de la nourriture. Quand je suis arrivée, le centre accueillait 10 jeunes pensionnaires à des stades plus ou moins avancés. Certains arrivaient déjà à se nourrir seuls alors que d’autres, trop jeunes, ne pouvaient avaler que de la bouillie de poisson. C’était le cas de Léna, la petite dernière, qui ne pesait que 7kg. Le matin, nous préparions donc les rations pour chaque phoque. Celle-ci change chaque jour en fonction de l’âge et du poids de l’animal. Dans chaque gamelle, j’étais chargée de mettre un poids exact de poissons entiers. Pas facile, surtout au début, de tomber juste. Nous préparions aussi les bouillies de poisson en mixant du poisson avec une solution hydratante. Parfois, certains phoques prenaient également un traitement contre la diarrhée afin qu’ils supportent mieux cette alimentation qui diffère beaucoup du lait de leur mère.
Lorsque les rations étaient prêtes, nous allions nous changer dans le sas pour revêtir nos vêtements de travail : pantalon et chemise verte, chaussettes en plastique bleu et sabots. Comme dans un hôpital. Les règles et protocoles d’hygiène sont ici très stricts et c’est tant mieux. Nous rejoignons ensuite les quarantaines où sont les phoques. Chacun dispose d’un box avec une lumière chauffante au-dessus de sa tête et d’une baignoire pour le bain et le nourrissage. Généralement, nous commencions par les plus jeunes, Léna et Minho. Avant de nous occuper d’un phoque, nous mettions charlotte, masque et gants. Le soigneur revêt en plus une combinaison sanitaire blanche avant d’entrer dans le box. Cela évite tout risque de contamination entre les phoques mais également aux soigneurs si ceux-ci sont porteur d’une maladie. Le soigneur commence par prendre la température du phoque. A ce moment-là, j’étais chargée de préparer le thermomètre. Lors des nourrissages à la bouillie, les phoques étaient intubés. Je devais alors m’assurer qu’aucune bulle ne se forme dans le tube et verser régulièrement la bouillie dans l’entonnoir. Les phoques plus âgés criaient de faim avec impatience. Ils étaient nourris directement au poisson, dans leur baignoire pour qu’ils comprennent que la nourriture se trouve dans l’eau, mais certains avait encore besoin d’aide pour les attraper. Le soigneur leur donne alors les poissons à la main ou à la botte. Le but étant qu’ils finissent par se nourrir seuls, sans trop s’être habitué à l’homme. C’est pourquoi nous évitons toute présence, contacts et discutions superflus dans les quarantaines.
Une fois la première tournée de nourrissage terminée, les phoques se calmaient et se mettaient se téter. Certains se tétaient entre eux, d’autres se tétaient le flan mais la plus mignonne c’est Léna qui se tétait la patte comme un vrai bébé. Pendant ce temps, nous nous attaquions au nettoyage des box. Les uns après les autres, nous mettions les phoques dans leur bain pour nettoyer leur quarantaine équipées de nos combinaisons intégrales blanches. Nous commencions généralement par Oural qui demandait plus de précaution concernant l’hygiène à cause de ses pustules potentiellement contagieuses. Nous en profitions pour lui faire un shampoing et lui désinfecter chaque bouton.
Le nettoyage terminé, nous nettoyons toutes les gamelles et instruments avant de préparer la 2ème tournée de nourrissage. Nous finissons notre journée par le nettoyage des sols et des serviettes avant de laisser notre place à l’équipe de l’après-midi.
La semaine est intense mais passe trop vite et il est difficile partir. Je quitte l’équipe de soigneurs et les petits phoques avec nostalgie en espérant les revoir lors du relâché.
La surveillance estivale
A l’arrivée des écovolontaires chaque samedi, une formation complète sur l’association et sur les phoques nous est dispensée afin que nous soyons en mesure de représenter l’association, d’informer et de sensibiliser efficacement les gens lors de la surveillance de la colonie. Nous sommes également formés à l’utilisation du matériel (longues vues, jumelles, VHF, …).
L’ambiance est bien différente du centre de soin où nous étions seulement 2 écovolontaires isolées du reste de l’équipe. Ici, nous sommes bien une 20aine d’écovolontaires, bénévoles, stagiaires, salariés de tous âges à partager un même gite. La première chose à faire en arrivant c’est essayer de trouver un lit disponible. Pas si simple qu’il n’y parait, je me retrouve à partager un lit 2 places avec quelqu’un d’autre.
Ici, les horaires et le temps de « travail » ne sont pas fixes et dépendent des horaires de marée. C’est à marée basse, lorsque les phoques se reposent sur les bancs de sable, que nous intervenons. Le rôle de l’écovolontaire change chaque jour en fonction du planning. On peut être placé en binôme sur une des zones stratégiques de la baie pour compter les phoques sur les reposoirs, sensibiliser les promeneurs et éviter les dérangements, être attribué au point d’observation où le but est de montrer au public les phoques à la longue vue et de les sensibiliser ou bien être amené à gérer une exposition.
Le matin, chacun se lève en fonction de son heure de départ, qui diffère en fonction des tâches. On prépare le matériel et un sandwich pour midi. Chaque binôme rejoint son poste équipé de jumelles, d’une longue vue, d’un trépied, d’une radio VHF et de t-shirts bleu « Étude et Protection des Phoques ». Bien entendu, les nouveaux écovolontaires sont en binôme avec ceux qui sont la depuis plus longtemps.
Une fois sur place, nous devons compter tous les phoques que nous voyons à la longue vue sur un rayon de 360°. Pas si simple qu’il n’y parait, surtout au début. Même à la longue vue, certains groupes de phoques sont très éloignés et ne sont pas simple à différencier. Lors du comptage, nous devons repérer géographiquement la position des groupes dans la baie, différencier les 2 espèces de phoques présents (phoque veau marin et phoque gris) mais également, si possible, arriver à distinguer les couples mères/petits. Pendant qu’une personne compte, l’autre prend des notes dans un carnet. A la fin de la journée, nous remplissons ensemble un fiche pour récapituler les comptes de la journée. Mis en relation avec les comptages des autres équipes, cela permettra d’avoir une idée assez précise du nombre de phoques dans la baie chaque année.
Mais notre rôle dans la baie n’est pas que le comptage. La sensibilisation et la protection des phoques prend une part importante. Cela peut être des gens qui nous abordent pour nous poser des questions ou pour observer les phoques à la longue vue mais également l’intervention sur des personnes qui s’approchent trop près des reposoirs pour leur demander d’éviter certaines zones. Les dérangements humains sont plus problématiques que ce que l’on peut penser. Les phoques profitent de la marée basse pour se reposer, pour se réchauffer mais aussi pour allaiter les petits sur les bancs de sable. Lorsque les dérangements s’accumulent, les phoques ne cessent de retourner à l’eau plutôt que de s’adonner à leurs occupations habituelles. Ils s’épuisent mais surtout, les petits peuvent se retrouvés sous nourris, ou pire encore, séparés de leur mère.
La meilleure journée que j’ai vécu lors de cette semaine de surveillance a été, de loin, la journée passée en zodiac dans la baie. La journée est plus longue que les autres, mais tellement plus intense. Nous pouvons nous approcher plus près des reposoirs et observer le comportement des phoques. Certains font « la banane » dans l’eau, d’autres se grattent, des petits tètent leur mère. C’est tellement beau de les voir dans la nature après avoir vu les petits en centre de soin. Le comptage est bien plus facile et plus précis. Nous en profitons pour faire de la photo identification et essayer de reconnaître des individus qui sont bagués. Alors que nous naviguons, des têtes rondes sortent de l’eau par ci par là à quelques mètres du zodiac. Parfois, on voit même deux têtes côtes à côtes, une plus petite que l’autre. C’est une mère portant son petit sur son dos !
Le soir, nous rentrons au gite des super images plein la tête. Nous faisons un débriefing de la journée de chacun et partageons un repas tous ensemble. Une super expérience à renouveler !
Vous trouverez d’autres témoignages d’écovolontaires sur le site de Picardie Nature.
LA REMISE EN MILIEU NATUREL
Le 26 octobre, je suis retournée une journée en baie de Somme pour assister et apporter mon aide lors de la remise en milieu naturel des jeunes phoques du centre de sauvegarde. L’évènement étant médiatisé, de nombreuses personnes étaient présentes et de nombreux bénévoles étaient mobilisés. Alors que la plupart des bénévoles sont sur la plage pour définir un périmètre de sécurité, informer le public ou porter les caisses, moi j’intègre l’équipe en bateau dont la mission sera de suivre les phoques après leur relâché. Depuis la baie, nous assistons à l’arrivée des caisses contenant les phoques sur la plage. Les parrains de chaque phoque ont le privilège de leur ouvrir la caisse.
Certains sortent à toute vitesse et se mettent directement à l’eau alors que d’autres sont plus hésitant. Difficile de retenir mon émotion. Je suis tellement heureuse de les voir retrouver leur liberté mais je suis également inquiète de les savoir maintenant livrés à eux même dans cet environnement immense et nouveau où ils ont tout à apprendre. Une fois à l’eau, ils sont pris par le courant. Quelques uns remontent sur le bord à plusieurs reprises devant une foule ravie, certains restent dans la zone alors que d’autres s’éloignent rapidement. Ça ne va pas être simple de tous les suivre. Nous pouvons les repérer grâce à une plaque colorée collée sur leur pelage au sommet de la tête. Celle ci se détachera lors de leur prochaine mue. En attendant, cela permettra de les suivre les premiers mois après leur remise en milieu naturel.
Nous suivons Mississippi qui se dirige vers le port après quoi nous tentons de retrouver les autres dans la baie. Nous croisons de nombreux phoques qui, curieux, sortent la tête de l’eau en nous observant. Chaque fois, nous tentons de distinguer à la jumelle s’il a une plaque sur la tête mais en vain. Nous passons la journée à sillonner la baie sans les retrouver. Les jours qui suivent, l’équipe de Picardie Nature va continuer à prospecter pour les localiser et s’assurer de leur bonne adaptation dans la baie.
devenir écovolontaire
Vous aussi vous souhaitez participer activement à la protection des phoques en baie de somme en devenant écovolontaire ?
Le centre de soins a été obligé de fermer ses portes fin 2016, il n’est donc plus possible d’effectuer la mission de soin aux jeunes phoques. Par contre, Picardie Nature accueille toujours des volontaires sur la partie surveillance estivale en baie.
Si vous souhaitez y participer, vous devez vous y prendre à l’avance. Les candidatures se clôturent début mars pour des missions couvrant tout l’été (de juin à août, jusqu’en septembre/octobre pour le centre de sauvegarde). Vous pouvez postuler pour la surveillance estivale (minimum 2 semaines) et/ou pour le centre de soin (maximum une semaine). Les admissions se font sur CV et lettre de motivation. Les longues durées sont privilégiées. Il y a beaucoup de demandes donc les places ne sont pas assurées.
Les frais d’inscription comportent l’adhésion à l’association, 80€ de participation par semaine pour le logement ainsi qu’un chèque de caution de 150€ encaissé en cas de désistement. La nourriture n’est plus prise en charge par l’association, les bénévoles s’arrangent en faisant un pot commun et des courses communes.
Plus d’infos sur le site de Picardie Nature : Devenir écovolontaire.
Les Aider
Vous souhaitez aider Picardie Nature à protéger les phoques de la baie de somme ? Vous pouvez :
- Faire un don
- Devenir écovolontaire (de juin à août)
Le site de Picardie Nature.