Mélissa – Ecovolontariat à Bwärä (Nouvelle-Calédonie)

Bwärä

La Roche Percée, Nouvelle-Calédonie

Témoignage de Mélissa – 1 mois à Bwärä – Novembre 2018

Francilienne de 33 ans, j’ai décidé de quitter ma vie sédentaire en 2014 dans le but d’expérimenter d’autres modes de vie, d’aller à la rencontre de nouvelles cultures et de vivre d’autres expériences professionnelles. Depuis cette date, je voyage avec mon compagnon. Après 2 ans en Australie, nous avions envie de découvrir une autre île du Pacifique tout en renouant « un peu » avec notre pays d’origine. C’est donc tout naturellement que nous avons poursuivi notre voyage en Nouvelle-Calédonie. Lorsque j’ai vu une annonce postée dans un groupe Facebook recrutant des volontaires pour une association de protection de tortues marines nommée Bwärä, je n’ai pas hésité une seule seconde à envoyer notre candidature. Dix jours après, nous arrivions pour 2 semaines de volontariat qui se sont vite prolongées de 2 autres semaines.

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La structure

Team des volontaires lors de notre passage en oct/nov 2018 sur la plage de La Roche Percée – Crédits photos G.Skalpovich

Bwärä est née en 2006, lorsqu’un riverain de la Roche Percée découvre plusieurs centaines de bébés tortues morts écrasés sur la route qui longe la plage. Les tortues Grosse-tête, appelées également tortues Caouanne (Caretta Caretta) avaient pour habitude de venir pondre sur ce site (le 2ème dans le Pacifique après celui de Mon Repos, près de Bundaberg, en Australie), depuis bien longtemps mais étant en proie à de nombreuses perturbations humaines, le nombre de naissances sur cette plage était en baisse constante. Quand on sait que les chances de survie d’un bébé tortue après éclosion sont seulement de 1 sur 1 000, plusieurs riverains ont décidé d’agir afin de favoriser la reproduction de cette espèce.

 

Les missions de l’association s’articulent autour de plusieurs volets  :

  • La protection du site de ponte
  • L’amélioration des connaissances sur les tortues Caouannes
  • La sensibilisation aux enjeux de conservation et environnementaux
  • Le reboisement de la zone

 

Les tortues Caouannes

Les tortues Grosse-tête, appelées également tortues Caouannes (Caretta Caretta) sont menacées d’extinction. L’espèce est classée «vulnérable» (VU) par l’UICN. En effet, on constate une chute des populations estimée à 50, voire 70% depuis une centaine d’années.

Une tortue Caouanne regagnant l’océan au petit matin – Crédits photo A.Lopasso

Plusieurs causes en sont à l’origine :

  • la pêche. Même si cette tortue n’est pas visée en tant que telle, ces espèces se retrouvent malheureusement trop souvent prises dans les filets dérivants et autre dispositifs similaires. Les filets abandonnés sont également à l’origine d’entraves pour nager, se nourrir ou respirer. Nous avons aussi constaté que plusieurs tortues avaient été blessées au niveau de leur carapace ou leurs nageoires, ce qui laisse présager que les hélices de bateaux représentent également une menace.
  • la pollution. On ne le répétera jamais assez mais l’importante quantité des plastiques rejetés à la mer a une énorme incidence sur ces animaux marins. Les sacs plastiques par exemple, sont confondu avec des méduses et leur ingestion provoque des morts par suffocation.
  • l’urbanisation des plages qui réduit considérablement la surface de nidification et augmente l’activité humaine. Dans le cas de la Roche Percée, la route qui mène aux différentes habitations en bord de plage crée une pollution lumineuse nocturne avec le passage des voitures qui découragent les tortues de venir pondre. De même pour les éventuels promeneurs qui s’éclairent à l’aide de lampes ou téléphones portables ou font des feux sur la plage.
  • la prédation des œufs et le braconnage. Les œufs et les bébés tortues rejoignant l’océan après l’éclosion, sont des proies faciles pour les oiseaux marins, les crabes mais aussi pour les chiens et les chats. Il n’y a pas eu de cas de braconnage récent à ma connaissance à La Roche Percée. L’association agissant avec le total soutien des populations kanaks pour qui cet animal a une grande importance dans la culture et les traditions. Seules certaines tribus sont autorisées à les pécher (sur demande faite à La Province) pour certaines cérémonies coutumières.

Je rajouterai que le réchauffement climatique joue un rôle non négligeable dans les difficultés que rencontre l’espèce pour se reproduire. En effet, c’est la température du nid qui détermine le sexe des bébés tortues : au dessus de 28,5 degrés, il y aura une majorité de femelles, en dessous ce sera une majorité de mâles. Depuis plusieurs années, on estime malheureusement que le taux des naissances de femelles avoisinent les 100%, ce qui a une incidence directe sur leurs difficultés à se reproduire.

 

La mission

Pour chaque volontariat, il y a d’abord une phase de formation, puis d’observation dispensée par un biologiste ou scientifique, souvent la personne référente sur le camp, avant de pouvoir interagir avec ces animaux marins. C’est à ce moment-là que l’on se familiarise avec les outils utilisés tels que les fichiers Excel, la prise de coordonnées GPS, les lampes frontales à lumière rouge (les seules autorisées sur la plage afin de ne pas désorienter les tortues) , l’appareil à baguer et les bagues numérotées qui leur sont destinées.

L’une des missions principales de l’association étant de faire un suivi scientifique des tortues grosses têtes, un planning est organisé entre les différents volontaires afin d’organiser des rondes de jour à 2 personnes minimum (chaque matin de 7h à 8h30) sur deux des plages environnantes, celle de La Roche Percée et de la Baie des Tortues. Le but étant de noter toute activité visible ayant eu lieu la veille – repérage des traces, pontes, géolocalisation, prises de notes, surveillance des éclosions – et ainsi collecter de précieuses données. C’est également l’occasion de rappeler la réglementation en vigueur aux promeneurs. Le site étant classé Réserve Naturelle Marine, chaque infraction est passible d’une amende.

Le reboisement des espaces naturels étant un volet important de l’association, le site sur lequel on est hébergé, possède une pépinière de plusieurs centaines de spécimens (voir photo 3). Il convient de s’en occuper en les arrosant régulièrement puis de participer aux actions de reboisement organisées certains après-midi avec l’aide d’un couple de riverains bénévoles très investi au sein de l’association depuis plusieurs années. Les sites de reboisement s’étendent autour de la plage de La Roche Percée mais également sur celles de la Baie des Tortues et de Poé. Tout ceci afin d’élever une barrière naturelle contre les pollutions lumineuses nocturnes mais aussi d’abaisser la température du sable afin de redonner la possibilité aux nids de donner naissance à des mâles.

Moi dans la pépinière – Crédits photos G.Skalpovich

Les repas et l’entretien des espaces communs sont gérés entre les volontaires en totale autonomie. La ville de Bourail toute proche permet d’effectuer tous les achats de première nécessité.

Le reste de la journée est consacré à la vie sur le camp, la découverte des environs, la baignade ou l’observation de superbes couchers de soleil !

Notre activité favorite de la fin de journée

La 2ème ronde de la journée a lieu à la nuit tombée (de 20h30 à 1h, voir jusqu’au petit matin lors de périodes de forte activité) sur la plage principale, lors de la saison des pontes exclusivement. Ces rondes sont l’occasion de rappeler les consignes aux éventuels promeneurs : interdiction des chiens sur la plage, de feu ou de lumière artificielle afin d’assurer la tranquillité indispensable aux femelles pour pondre.

À la seule lueur du ciel étoilé, des équipes de 3 volontaires minimum arpentent la plage de La Roche Percée plusieurs fois afin de poursuivre le suivi scientifique lorsqu’une tortue est repérée. Celles-ci venant pondre exclusivement la nuit, il arrive néanmoins de façon exceptionnelle, que le rituel de la ponte s’étende juqu’au petit matin.

Moi en train de mesurer une énorme tortue Grosse-tête – Crédits photo A.Lopasso

Une fois notre formation et phase d’observation terminée, nous sommes alors en mesure d’approcher les tortues à un moment bien spécifique de la ponte, selon de grandes précautions afin de pouvoir les mesurer, les baguer ou les recenser en relevant leur numéro s’il s’agit de tortues déjà identifiées par l’association.

Nous opérons également avec les volontaires de l’« Aquarium des lagons » de Nouméa, qui possèdent aussi un programme de suivi scientifique des tortues marines. Ces derniers assurent en plus l’accueil des touristes et le déplacement de petits groupes de visiteurs sur la plage afin d’observer les tortues en train de pondre certains soirs entre décembre et février.

A cette occasion, il est possible de tenir un stand de présentation de l’association, de mettre en place jeux et animations avec vente d’articles destinés à récolter des fonds.

Stand installé lors de l’accueil du public par l’équipe de l’Aquarium des Lagons de Nouméa durant la saison des pontes

 

Le bilan

Ces 4 semaines de volontariat ont tout simplement été magiques ! Ayant toujours eu à cœur de préserver l’environnement, c’était la première fois que j’œuvrais en faveur d’une espèce menacée de manière concrète au sein de son milieu naturel. Cette approche scientifique était nouvelle pour moi, qui suis travailleur social à la base, et a été extrêmement enrichissante.

J’ai énormément appris sur ces animaux marins qui me fascinaient depuis longtemps et ai pu mesuré tous les enjeux auxquels ils sont confrontés par nos modes de vie et consommation. Avoir pu participer à leur étude, leur sauvegarde et la préservation de leur milieu naturel est l’un de mes souvenirs jusqu’à maintenant.

Je garde en tête de superbes moments émouvants d’observation de ces tortues en train de pondre et de regagner péniblement l’océan, après avoir fourni un effort considérable pour creuser, pondre puis recouvrir leurs nids avec un même rituel bien précis. Nous nous sentions bien peu de choses face à ce spectacle fascinant.

Humainement parlant, j’ai fait la connaissance de personnes en or avec qui je suis toujours en contact, et l’envie de nous retrouver dès que possible est toujours aussi présente. Nous avons même continué à voyager dans le nord de l’île avec l’une de nos collègues, que l’on a par la suite retrouvée en Nouvelle-Zélande ! Notre équipe de volontaires était composée de profils assez différents mais étant tous animés par les mêmes valeurs et motivations, chacun ayant un petit grain de folie, notre entente s’est créé naturellement et a été le théâtre de nombreux fous rires et souvenirs impérissables.

Je pense que les principales difficultés de cette mission peuvent résider dans la vie en collectivité car les volontaires vivent quasiment 24h/24 ensemble. Il faut ensuite s’adapter à des conditions de vie en pleine nature tropicale qui pourront paraître rudimentaires pour certains, mais géniales pour d’autres. Sans oublier la bonne gestion de son sommeil avec des réveils matinaux et de courtes nuits. Même si le planning permet de tourner, il est tentant d’accompagner les volontaires désignés pour la ronde du soir très souvent afin d’assister aux pontes, n’ayez pas peur d’avoir des cernes, le jeu en vaut largement la chandelle !

 

Vue de la plage de La Roche Percée, où nous effectuons les rondes de jour et de nuit – Crédits photos G.Skalpovich

 

Devenir volontaire

Je dirais que tout le monde en bonne santé physique peut être volontaire si l’on est prêt à s’impliquer dans cette association pour une durée minimale de 3 ou 4 semaines, tout en étant capable de s’adapter aux conditions de vie sur place (vie en collectivité, camping, participation aux tâches ménagères, pas de connexion internet) ainsi qu’au rythme imposé par les rondes nocturnes ou matinales (beaucoup d’allers-retours à pied sont à prévoir lors des rondes de nuit).

Les mineurs peuvent aussi proposer leur candidature en y joignant une autorisation parentale. Il est également possible de s’engager au long terme et de bénéficier d’une rémunération par le biais du contrat de service civique.

Pour devenir volontaire, il suffit de contacter l’association via son site ou sa page Facebook sachant que la saison débute en novembre pour la ponte des tortues et se termine en avril/mai lors des dernières émergences (éclosions des œufs). La structure peut accueillir une dizaine de volontaires à la fois.

Côté pratique, il est nécessaire de se rendre en Nouvelle Calédonie par ses propres moyens mais plusieurs solutions existent afin de rejoindre le site de l’association : stop , bus, covoiturage à organiser avec les différents volontaires quand cela est possible…

Au niveau financier, l’adhésion annuelle à l’association dispose de 3 types de tarifs, desquels il est nécessaire de s’acquitter en tant que volontaire :

  • tarif normal : 3000 frs (~26€)
  • tarif réduit (étudiants et demandeurs d’emploi) : 1500 frs (~13€)
  • tarif famille (couple ou famille avec enfants) : 4000 frs (~42€)

Il faut également avoir quelques économies afin de pouvoir participer aux frais de nourriture si l’association ne dispose pas de financement suffisant (cela peut varier d’une année à l’autre).

Pour vous donner une idée, nous dépensions entre 2000 et 4000 frs/pers. (~ 16€/32€) chaque semaine.

Les volontaires sont logés sur place, à quelques centaines de mètres de la plage où se situent la plus grande partie de nos actions, dans un cadre sauvage et tropicale (attention aux moustiques tigres!). Il n’y a pas de frais d’hébergement, de grandes tentes sur deck avec matelas sont mises à disposition pour le logement des volontaires. On peut néanmoins venir avec la sienne et son matériel de camping. Le camp dispose également d’un espace aménagé couvert avec électricité, cuisine, salon, bureau et douche avec eau chaude. Toilettes sèches. Pas de connexion internet.

 

Les aider

Pour aider cette structure autrement qu’en donnant de son temps sur place, il existe une boutique en ligne sur le site de l’association https://bwara.nc/boutique/ permettant d’adhérer, de faire un don ou d’acheter des t-shirts.

Si l’on est de passage à La Roche Percée, il est également possible de faire des achats directement sur place : adhésions, t-shirts, cartes postales et plantes issues de la pépinière du camp. S’assurer auparavant de la présence d’un stand installé pour la saison des pontes en soirée le plus souvent, ou en matinée lors des éclosions, en contactant l’association.

Je recommande évidemment cette mission à 200% !! Surtout que depuis 2006, on dispose de chiffres permettant de démontrer que les pontes ainsi que les naissances de tortues Caouanne sont en augmentation. Les femelles atteignant leur maturité sexuelle à 15 ou 20 ans, ce n’est qu’aux alentours de 2025 que les bébés observés par les premiers bénévoles seront peut-être en mesure de revenir sur leur plage de naissance afin de perpétuer la reproduction de l’espèce.

Site internet de l’asso : https://bwara.nc/

Facebook : https://www.facebook.com/BwaraTortues/

2 réflexions sur “Mélissa – Ecovolontariat à Bwärä (Nouvelle-Calédonie)

  1. Bonjour,
    Merci pour votre témoignage super émouvant. Je viens d’arriver en Nouvelle Calédonie retrouver ma fille.
    J’ai très envie de tenter cette expérience fabuleuse.
    Je vous souhaite encore de très beaux voyages et de belles surprises.
    Marie-Laetitia

    1. Bonjour Marie-Laetitia,
      oh merci à vous pour votre retour, cela me touche. J’imagine que les retrouvailles avec votre fille ont été riches en émotions. J’espère que vous pourrez, ou avez pu profiter de cette expérience avec l’association Bwära. Il me semble que la période des éclosions doit encore être d’actualité à cette période de l’année.
      Profitez bien de votre voyage,
      Mélissa

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