CetaceaLab
gil island, bc, canada
6 semaines d’écovolontariat à la découverte des grands cétacés de la Colombie Britannique au Canada : les orques et les baleines à bosse au CetaceaLab.
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La Structure
Le CetaceaLab est une station de recherche sur les grands cétacés situé sur Gil Island, une île isolée au nord de la Colombie Britannique en territoire autochtone Gitga’at.
Forts de leur expérience à étudier les orques résidentes du sud à OrcaLab près de Vancouver Island, Hermann Meuter et Janie Wray choisissent de créer, en 2001, leur propre station de recherche plus au nord afin d’étudier la population méconnue des orques résidentes du nord. Avec la bénédiction du chef Gitga’at, peuple autochtone propriétaires des lieux, ils s’installent sur la pointe sud de Gil Island, un lieu préservé des activités humaines et idéalement situé sur la route des cétacés.
De là, ils peuvent étudier les populations d’orques mais également de baleines à bosse et de rorquals en ayant un moindre impact sur eux. Ils construiront dans les années qui suivent une maison autonome ainsi que le laboratoire d’écoute et d’observation de leur propres mains.
Depuis, leurs routes se sont séparées et Janie a créée sa propre station d’observation sur un îlot situé dans un canal voisin mais ils continuent de collaborer pour récolter plus d’informations sur les cétacés.
sa Mission
La mission du CetaceaLab est de récolter un maximum de données sur les espèces de grands cétacés parcourant les eaux côtières du nord de la Colombie Britannique afin d’étudier leurs comportements ainsi que l’état des populations. Initialement spécialisé dans l’étude des orques, l’équipe a progressivement étendu ses recherches sur les baleines à bosses repeuplant massivement la zone et même aux rorquals communs qu’elle pensait absents des lieux.
L’objectif étant d’étudier ces animaux en ayant le moindre impact possible, la quasi totalité de la récolte de données se fait depuis la terre, directement depuis le laboratoire installé juste au dessus de l’eau. Celui ci est idéalement placé pour une observation optimale de l’activité marine. Une vue à 180° au croisement de 5 canaux de passage des cétacés, un hydrophone diffusant en continu les sons sous marins, une équipe mobilisée H24 pour observer la mer à tour de rôle du levé au couché du soleil et écouter l’hydrophone la nuit.
Le but : noter chaque apparition de cétacé. Noter l’espèce, le nombre d’individus, suivre leurs déplacements, noter leur comportement, enregistrer leurs vocalisations, faire de la photo identification et identifier les individus lorsque cela est possible.
Ces données récoltées au fil des années sont, entre autre, partagées avec le peuple Gitga’at, ce qui leur permet notamment de se battre contre des projets gouvernementaux destructeurs comme les projets d’oléoducs souhaitant passer par leurs eaux.
Les Cétacés du pacifique nord est
Les orques
Dans le pacifique nord est on retrouve plusieurs types d’orques qui peuvent être considérés comme des sous espèces distinctes. Les orques résidentes piscivores, les orques nomades carnivores et les orques de haute mer.
Les orques résidentes se distinguent entre les orques résidentes du sud qui peuplent les eaux côtières à partir de la moitié sud de l’île de Vancouver et les orques résidentes du nord qui peuplent les eaux côtières à partir de la moitié nord de l’île de Vancouver.
Les orques résidentes du sud sont les plus étudiées mais également les plus menacées, composées d’un seul clan de 3 pods, ne comprenant aujourd’hui plus que 75 individus avec un taux de natalité viable nul. Cette population est la plus impactée par les activités humaines, ayant été longtemps la cible privilégiée des captures pour les parcs marins, étant aujourd’hui très sollicitée par les activités touristiques de whale watching et perdant sa source principale de nourriture, le saumon, à cause notamment de la pêche, la pisciculture et les barrages.
« Entre 1962 et 1973, 263 orques ont été capturées sur les côtes de la Colombie Britannique et de l’état de Washington. Parmi ces 263, 50 ont été envoyés dans des aquariums ou des parcs marins. Les captures étaient brutales; 12 orques ont été tuées durant leur capture, généralement noyées dans les filets. […]
A la fin d’août 1973, Biggs et Ellis avaient une estimation du nombre d’orques présentes dans les eaux de la Colombie Britannique : entre 200 et 250. Si les chiffres de Mike Bigg étaient justes, il est possible qu’un cinquième de la population totale du nord-ouest ait été prise ou tuée lors des captures. Aucune espèce pourrait survivre ce type d’événement brutal. »
Alexandra Morton, Listening to whales, 2002.
Les orques résidentes du nord, préservées grâce à leur isolation des activités humaines, se portent légèrement mieux que leurs cousines du sud avec une population de plus de 200 individus composée de 3 clans distincts. Elles sont néanmoins également touchées par le manque de saumon.
Les orques résidentes ont une organisation sociale très développée. Les familles s’organisent de façon matrilinéaire, c’est à dire autours des mères. Les jeunes, aussi bien les mâles que femelles et leurs petits, restent avec leur mère durant toute la vie de celle ci. Les « matrilignes » se regroupent en pods, groupes sociaux voyageant souvent ensemble, puis en clans, groupe avec lequel ils partagent le même dialecte, chaque clan ayant un dialecte bien différant. Les accouplements ont lieu lors de grands rassemblements où les mâles s’accouplent avec des femelles du même clan mais de pods différents.
Il est intéressant de noter que les peuples autochtones de la région ont une organisation sociale similaire à celle des orques résidentes : une société matrilinéaire divisées en 3 clans (loups, aigles, orques), les mariages ne pouvant s’effectuer qu’entre différents clans.
Les orques nomades sont également moins impactées par les activités humaines, ne dépendant pas directement des ressources de saumons pour s’alimenter. Contrairement aux orques résidentes piscivores très bavardes, les orques nomades doivent rester muettes la plupart du temps pour ne pas faire fuir leurs proies, principalement des phoques et des lions de mer. Elles ne s’autorisent quelques vocalisations qu’une fois une proie capturées. Elles s’organisent en groupes plus petits et ont des liens de parentés moins forts que les orques résidentes.
Les orques de haute mer, quant à elles, sont assez méconnues car très peu étudiées compte tenu de leur mode de vie pélagique. Elles ont été découvertes que très tardivement, en 1988.
Les baleines à bosse
Les baleines a bosse originellement très présentes près des côtes de la Colombie Britannique avaient complètement disparues de ces eaux suite à de nombreuses années de chasse à la baleine intensives.
« Selon les registres des baleiniers de l’ouest canadien, un total de 24 862 cachalots, baleines bleues, rorquals et baleines à bosse ont été tuées entre 1908 et 1967. […] Ces découvertes suggèrent une destruction des populations de baleines à un point où les baleines ne pouvaient pas atteindre l’age de la reproduction et avoir suffisamment de petits. […] L’industrie resta active jusqu’en 1967 à cause d’un accord entre une grande entreprise provinciale de pêche, BC Packers et une entreprise japonaise pour livrer de la viande de baleine congelée au Japon.
Les registres archivés des baleiniers confirment l’existence d’une petite population côtière de baleines à bosse dont Billy Proctor se rappelle. Ces petits groupes de baleines étaient dispersés sur la côte et éliminés un par un au fur et à mesure qu’ils étaient découverts. Durant l’hiver 1907-8, une seule station de baleiniers dans la baie de Georgia a reporté la mort de 97 baleines à bosse en 3 mois. Ils les ont toutes tuées. »
Alexandra Morton, Listening to whales, 2002.
Lorsque Hermann a installé sa station d’observation en 2001, ses observations de baleines à bosse n’étaient qu’occasionnelles. Depuis, il a pu constater, chaque année, un nombre croissant de baleines à bosse venir occuper les eaux environnantes. Si bien qu’aujourd’hui, les observations sont quasi quotidiennes en été, bien plus nombreuses que celles des orques qu’Hermann était venu initialement étudier. Il a donc élargie sa récolte de données sur cette espèce qui venait de plus en plus barboter juste sous son nez et repeupler ce territoire qui était jadis leur garde manger.
La baleine à bosse est une espèce migratoire. Celles qui fréquentent les eaux de la Colombie Britannique l’été pour se nourrir et faire le plein de réserves migrent vers le sud à l’automne, direction les îles d’Hawaï, afin de s’y reproduire ou mettre bas. Certaines, immatures, ne migrent pas et restent passer l’hiver dans les eaux froides.
Leurs liens sociaux sont beaucoup moins forts que pour les orques. Les petits restent avec leur mère jusqu’au sevrage après quoi il sera livré à lui même. Les femelles peuvent avoir un petit par an si une fécondation a lieu juste après un accouchement mais généralement elles donnent naissance à un petit tous les 2 ans. Lors de leur migration, elles alternent donc, 1 année sur deux, entre accouplement et mise bas. Néanmoins, les baleines à bosse voyagent et chassent généralement en groupe. Même lorsqu’un individu semble isolé physiquement, il peut faire parti d’un groupe éparpillé non visible à l’œil nu, les baleines pouvant communiquer avec leurs congénères à des distances importantes.
L’été, lors du nourrissage, elles s’associent en groupes de 3 à 15 individus pour rabattre les poissons en faisant un filet de bulles pendant qu’une d’entre elles émet des vocalisations rythmées qui semblent coordonner l’action. Peu après l’apparition du cercle de bulles à la surface, elle remontent toutes gueules grandes ouvertes pour engloutir leurs prises tout en filtrant l’eau à travers leurs fanons.
En fin d’été, les mâles commencent à s’entraîner au chant en prévision de la migration et de la saison des amours à venir. Une fois dans les eaux chaudes d’Hawaï, les mâles se mettent à chanter, immobile, à la verticale, la tête en bas. La signification de ces chants identiques et répétitifs est encore méconnues. La théorie selon laquelle ils serviraient à charmer les femelles semble infondée, les mâles chanteurs étant généralement rejoins par d’autres mâles. Les mâles prennent en chasse une femelle à plusieurs. S’en suivent généralement de fortes bagarres. Souvent, un mâle escorte une femelle pendant toute la saison pour repousser les autres mâles. S’agit-il d’un géniteur protégeant sa future progéniture ou espère-t-il gagner les faveurs de sa belle ? ceci reste encore indéterminé.
Les autres cétacés
Les baleines à bosse et les orques sont les espèces que l’on observe le plus dans les eaux de la Colombie Britannique mais, bien évidemment, elles ne sont pas les seules et d’autres espèces peuplent également ces lieux comme notamment le marsouin de Dall qui apparaît régulièrement en petits groupes serrés, le superbe dauphin de Gill et le majesteux rorqual commun que l’on voit de plus en plus, mais encore de façon très occasionnelle.
Les menaces pesant sur les orques
Le manque de nourriture
Le manque de nourriture est la principale menace pour les orques résidentes aujourd’hui. Piscivores se nourrissant presque exclusivement de saumons, elles sont très impactées par la diminution de leurs effectifs remontant chaque année le courant vers leurs sources de naissance pour se reproduire. Le saumon est à la base de tout l’écosystème, marin mais également terrestre. Une grande partie de la faune et même de la flore de la forêt pluviale du Grand Ours dépend du saumon. Les associations écologistes locales s’alarment de leur diminution drastique chaque année. Les orques résidentes du sud sont faméliques, au point d’avoir leurs côtes apparentes. Leur fécondité en est affectée et certaines, affaiblies par la malnutrition, meurent prématurément.
« Le nombre de saumons en Colombie Britannique aujourd’hui représente seulement 10% des niveaux historiques, et environ 85% sont des poissons d’élevage. Donc le nombre de poissons sauvages aujourd’hui représente seulement 1,5% de ce qui existait avant l’arrivée des Européens. »
Rick Williams, reporté par Truthout le 4 septembre 2018
Quel est la cause de la disparition des saumons ? Outre la pêche, la pollution des eaux et le réchauffement climatique, les deux causes principales sont les barrages et les fermes à saumon.
Les barrages empêchent tout simplement les saumons de remonter les rivières pour aller se reproduire. Les fermes à saumons, quand à elles, causent de nombreux problèmes comme la pollution des eaux par des peintures antifoulant et l’utilisation de répulsifs sonores sous marins, très dérangeant pour les cétacés, pour éloigner les prédateurs. Mais le principal soucis que ces fermes posent est le développement de maladies qui se transmettent et déciment les populations de saumons sauvages.
Dans la vidéo ci dessous Dr Paul Spong, fondateur d’Orca Lab en Colombie Britannique, nous explique en quoi les fermes de saumons sont une véritable menace pour les orques. Leur concentration et le caractère intensif de l’élevage font apparaître des maladies et des virus contre lesquels les saumons sauvages autochtones, dont dépend tout l’écosystème, ne peuvent se défendre.
La pollution sonore
La pollution sonore causée par le trafic maritime est très dérangeant pour les cétacés qui utilisent principalement les sons pour communiquer, parfois sur de très longues distances, mais aussi pour se nourrir. Nous n’avons pas conscience du bruit ambiant sous marin mais celui ci peut être très fort dans les zones de trafic maritime intense ou en pleine saison touristique car le son se propage beaucoup plus loin et plus vite dans l’eau que dans l’air. La surface agit comme un réflecteur des ondes sonores, ainsi, on peut entendre sous l’eau l’addition des bruits de moteur de tous les bateaux à des kilomètres à la ronde. Les eaux proches de Vancouver et de l’île de Vancouver sont très fréquentées et les orques se retrouvent contraints d’éviter les zones côtières et parfois de déserter leurs habitats favoris. Les projets d’oléoducs mis en place par le gouvernement canadien augmenteraient le trafic et la nuisance sonore, augmentant du même coup la pression sur ces animaux déjà fragilisés, d’où un fort rejet de la part des associations écologistes et des peuples autochtones.
Les activités touristiques
Certaines activités touristiques peuvent avoir un impact néfastes sur les cétacés. C’est le cas des parcs marins et du whale watching.
Comme vu plus haut, les parcs marins ont fortement contribués à la diminution des populations d’orques. Si ces captures n’ont plus lieu en Colombie Britannique depuis 1976, ce n’est pas le cas dans d’autres régions du monde. Les naissances en captivités ne sont pas pour autant plus morales. En plus d’une forte mortalité infantile, on inflige à ces animaux des conditions de vie effroyables totalement inadaptées à leurs besoins et on les exploite en les contraignant à des exercices ridicules pour faire du profit. Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à regarder le documentaire Blackfish.
Partant de ce constat on pourrait penser qu’il est plus recommandé de partir à la rencontre de ces animaux dans leur environnement en faisant appel à un opérateur de whale-watching. Malheureusement ces activités étant de plus en plus demandées, elles peuvent également avoir un impact négatif sur les animaux. Si ces activités sont non réglementées et non encadrées, elles peuvent devenir très intrusives : des bateaux à moteur se relayant toute la journée sur un même groupe d’orques ne leur laissant aucun répit, dérangeant leurs comportements, interrompant des activités de nourrissage ou de repos, s’immisçant au milieu des groupes où il y a souvent des jeunes voir des nouveaux nés… Pour des populations déjà fragilisées, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
« Malgré le fait que les touristes shootaient les orques avec des objectifs et non des balles, moi et de nombreux autres chercheurs avons été alarmés par cette industrie grandissante. Beaucoup d’entre nous ont simplement quitté la zone pour retirer nos bateaux de la pression croissante sur les animaux. […] Robin et moi nous sommes retirés dans les criques, et d’autres encore se sont installés sur la côte pour faire des observations depuis la terre. »
« Le problème est devenu cumulatif. Tout le monde pense qu’il ou elle a le droit d’approcher les orques, et beaucoup de gens qui viennent dans les eaux du nord de l’île de Vancouver ont seulement une journée à passer avec les orques. Les kayaks, qui croient que leur absence de moteur réduit leur impact, approchent souvent des orques au repos de trop près, surprenant les dormeurs. »
Alexandra Morton, Listening to whales, 2002.
Mon expérience d’écovolontaire
Après ce long préambule néanmoins nécessaire pour comprendre la situation des orques et des baleines à bosse en Colombie Britannique, nous pouvons enfin plonger dans le vif du sujet : mon expérience en tant que volontaire au CetaceaLab.
Mon arrivée sur gil island
Cette expérience était pour moi, non seulement la raison première de ma venue au Canada mais aussi l’étape finale d’un voyage tant rêvé : la traversée du pays en van, de Montréal à Vancouver, le tout parsemé d’émerveillement, de rencontres et d’aventures.
Presque 2 mois après mon arrivée à Montréal vient donc enfin le moment tant attendu et un peu redouté de partir pour Gil Island. Redouté car je n’ai alors que très peu d’infos sur la structure et m’aventurer seule dans un lieu si isolé me stresse un peu. Rien que pour y arriver c’est un peu une aventure en soit. Un voyage dans le voyage en quelque sorte.
Depuis Vancouver je prends donc un vol de 2h jusqu’à Prince Rupert, la « grande » (et unique) ville du coin. Je prévois de passer la nuit au camping, proche de l’embarcadère des ferrys, en me disant que ce serait moins cher et plus pratique. Que nenni ! Déjà le bus de l’aéroport n’a pas voulu me déposer au camping, pourtant sur sa route, et j’ai dû marcher 1,5km avec mon sac de 20kg à la nuit tombée pour y arriver. Au final le prix du camping n’était vraiment pas donné. Et rebelote tôt le lendemain matin je me rends à pied à l’embarcadère pour au final me rendre compte que je suis au mauvais endroit, à 4km du port situé au centre ville. Obligée de prendre un taxi pour ne pas louper le seul bateau se rendant à Hartley Bay de la semaine. Au final j’aurais mieux fait de passer la nuit à l’auberge, ça m’aurait coûté la même chose et ça aurait été bien plus pratique (note aux prochains volontaires :)). Au dernier moment avant d’embarquer, je me rend compte que je n’ai pas prévu d’argent liquide pour ma participation aux frais de mon séjour. Bien évidemment il n’y a pas de distributeur sur Gil Island, ni même à Hartley Bay d’ailleurs ! Ni une ni deux je cours dans toute la ville à la recherche d’un distributeur. Heureusement que j’avais plusieurs cartes de crédit car la somme pour 6 semaines dépassait de loin mon plafond ! (2ème note aux prochains volontaires, pensez à prévoir le cash à l’avance ! ).
Quoiqu’il en soit, j’arrive à embarquer sur le petit ferry plein à craquer de provisions, unique moyen de ravitaillement du village isolé de Hartley Bay. Dans le bateau, peu de monde et encore moins de touristes. Seulement quelques personnes qui semblent avoir fait ce trajet toute leur vie, un ado un casque sur les oreilles qui rentre probablement des cours, des femmes qui papotent, des hommes qui roupillent… comme quand on prend le RER à paris, sauf que là l’environnement y est légèrement différent. J’y rencontre Josh, un autre volontaire qui démarre sa mission au cetaceaLab en même tant que moi.
S’en suivent 4 heures de navigation dans les étroits canaux de la fameuse Great Bear Rainforest. Pas un signe de présence humaine à l’horizon. Malgré la fatigue j’essaye de rester éveillée pour scruter aussi bien l’eau que la forêt, dans l’espoir de voir apparaître mes premières orques ou même, avec un peu de chance, un de ces mystérieux « ours esprits », des ours noirs à la fourrure blanche emblématiques de ce lieu ! Mais rien de tout ça. Nous arrivons à Hartley Bay. Quelques 10aines de maisons, tout ce qu’il y a de plus moderne, surplombent la baie et le petit port. Loin de l’image préconçue que je pouvais avoir des premières nations. En débarquant, nous avons un rapide aperçu de la vie communautaire de ce petit village. Tout le monde, adultes, enfants, chiens, voiturettes de golf (principal moyen de transport du village), s’affairent autours du ferry pour récupérer et se répartir les provisions. Puis les gens s’enlacent, s’embrassent, et le bateau se rempli à nouveau avant de repartir.
C’est là, sur le ponton de Hartley Bay que nous rencontrons Hermann pour la première fois. Nous ne nous attardons pas et nous chargeons des caisses de provisions sur son bateau métallique avant d’embarquer. Cette fois, c’est réellement l’étape finale du voyage et, vu ce qui va advenir dans les prochaines minutes, la mission a d’ors et déjà bel et bien commencée.
Peu de temps après notre départ, Hermann reçoit un appel sur sa radio le prévenant de la présence d’orques nomades. Alors que nous nous dirigeons vers le sud de Gil Island, on repère le groupe d’orques, une « matriligne » de plusieurs générations avec des petits. N’en croyant pas mes yeux, je suis dans un état d’émerveillement et d’excitation maximum ! Je saute sur le pont et commence à mitrailler de toutes parts. Hermann décide de les suivre pour les photographier et les identifier. Elles nous emmènent jusqu’à une colonie de lions de mer qui hurlent et se ruent hors de l’eau à leur approche, apeurés. Malgré que les orques soient passées très proche de la colonie, elles ne semblent pas s’y être attardées pour chasser et ont continué leur chemin. Tout en les suivant, nous apercevons au loin des souffles, puis peu après, d’immenses gueules noires qui jaillissent hors de l’eau : des baleines à bosse en plein nourrissage. Je n’en crois pas mes yeux, ne sachant plus où donner de la tête je prends des photos dans tous les sens, ne voulant rien manquer de ce qui se passe autours de moi. Petit à petit les orques nous rapprochent du groupe de baleines jusqu’à être aux premières loges lors de leur prochain repas. Après peut-être 2 heures de voyage et un baptême des plus spectaculaire, nous débarquons sur la plage rocheuse de Gil Island.
La première journée continuera avec la rencontre des autres volontaires, la visite des lieux, d’autres lions de mer et un phoque commun qui pointent le bout de leur nez et même quelques marsouins de Dall ! Elle se terminera par un superbe couché de soleil, superbe couché de lune, une foule d’étoiles et la voix lactée… Une journée inoubliable dans un lieu d’une beauté inimaginable !
le travail d’écovolontaire
Après une première journée d’installation et d’observation et une deuxième journée de formation en équipes, nous prenons nos tours de gardes en solo dès le 3ème jour.
Les journées se rythment en tours de garde de 2h. Le nombre de gardes par volontaire dans la journée va dépendre de la durée d’ensoleillement ainsi que du nombre de volontaires. À mon arrivée les journées étaient longues et nous étions nombreux. Les gardes commençaient à 5h le matin et se finissaient à 21h. Malgré tout il arrivait de n’avoir qu’une garde dans la journée. Fin septembre, nous n’étions plus que 2 volontaires et les gardes ne s’étalaient plus que de 7h à 19h.
Lors des gardes, le travail consiste à écouter l’hydrophone qui diffuse en permanence et à scruter la mer depuis la station d’observation à la recherche de grands cétacés. Toutes les demi-heures on scanne l’horizon à la longue vue, d’Est en Ouest. Celui ci est divisé en zones, de A à G et en 3 échelles de distances. Rapidement, on apprend à les distinguer pour pouvoir localiser les animaux et suivre leurs déplacements. De même, nous apprenons rapidement à identifier les différentes espèces mais également leurs vocalisations ainsi que les comportements qui y sont associés. Lorsque l’on repère des orques ou des baleines, on note leur localisation, le nombre d’individus, l’espèce, leurs comportements et leurs vocalisations s’il y en a.
Dès que des vocalisations se font entendre nous lançons l’enregistrement et consignons dans un registre spécifique toutes les données relatives à celles ci. À force d’écoutes, nous identifions de mieux en mieux les vocalisations au point de savoir ce que font les baleines sans même les voir et même savoir le moment précis où elles vont sortir de l’eau la gueule grande ouverte. En ce mois d’août, les vocalisations les plus fréquentes sont celles des baleines à bosses se nourrissant en groupe, le « Bubble Net Feeding ». Et lorsque que l’on entend un fort coup de feu, on peut être sûr qu’une baleine est en train d’effectuer des sauts ou de frapper ses pectorales contre la surface de l’eau. Le summum c’est lorsqu’elles viennent faire ça juste devant nos yeux ébahis. Tous le monde se rue alors sur le ponton pour profiter du spectacle.
Il arrive souvent que nous entendions les baleines avant même de les voir, le son sous marin portant bien plus loin que la vue. Mais parfois les baleines apparaissent juste sous notre nez sans prévenir, nous soufflant presque à la figure ! Dans ces cas là, on fait de la photo identification pour cataloguer chaque individu. Pour les baleines à bosse, nous devons photographier le dessous de leur nageoire caudale lorsqu’elles sondent (plongée en profondeur après un cycle de respirations en surface), chacune présentant des marques uniques et facilement identifiables. Pour les orques en revanche, ce sont les nageoires dorsales qui doivent être photographiées et les marques sont bien moins nettes et plus difficilement identifiables pour des novices comme nous. La satisfaction est donc à son maximum lorsque l’on parvient à identifier nos premiers animaux. Nous nous rendons compte rapidement que ce sont souvent les mêmes individus qui viennent nous rendre visites au point de finir par les identifier au premier coup d’œil : Mitch, Winter, Amy, Little H… nous avons chacun notre chouchou !
Autre tâche durant la garde : répondre aux appels radios. Phobique du téléphone, cette tâche était réellement ma hantise. Malgré un anglais plus que correcte j’étais réellement incapable de déchiffrer les sons sortant de cet appareil de malheur. Entre le fort accent des anglophones locaux, le grésillement de la radio, les interférences, etc… une angoisse me prenait dès que « Whale point, Whale point » se faisait entendre et que j’étais la seule présente pour répondre. L’angoisse de faire louper à tous une observation d’orques… Ce qui ne manqua pas d’arriver d’ailleurs…
Pour qu’il y ait une présence permanente à la station d’observation, il y a également une garde la nuit. Chaque nuit les volontaires s’alternent pour dormir dans le laboratoire. Enfin, ne dormir que d’un œil pour être près à bondir hors du lit et lancer l’enregistrement à la moindre vocalisation. Les nuits d’août ont été très calmes mais en septembre nous avons pu assister à de véritables concerts nocturnes ! Les baleines à bosses ont commencé à pratiquer leurs chants, émettant des vocalisations très variées qui font écho et résonnent contre les parois abruptes des canaux environnant pendant de longues heures. Même ceux qui ne sont pas de garde la nuit peuvent profiter du spectacle audio grâce à des haut parleurs qui diffusent l’hydrophone en permanence partout dans le campement et la maison. Mais les vocalisations encore plus attendues sont celles des orques résidentes. Les « pings » du clan G est le son le plus improbable et mignon jamais entendu. À la moindre vocalisation très identifiable, à toute heure du jour ou de la nuit, c’est « ALERTE GÉNÉRALE !!! TOUT LE MONDE SUR LE PONT ! » Tout le monde qui cours dans la nuit noire jusqu’au Lab en essayant de ne pas se casser la figure en chemin, pour peu d’avoir oublié sa lampe torche dans la panique. A la première lueur du jour, tout le monde en bateau et on s’empresse de rejoindre le pod pour la photo-identification.
Mon dernier jour au CetaceaLab a été magique. Après avoir entendu les vocalisations de 2 différents clans d’orques résidentes et les avoir entendu souffler juste devant le Lab pendant toute la nuit, j’aperçois les dorsales bien reconnaissables des orques s’éloignant vers le sud lors de mon premier scan à la longue vue au petit matin. Ni une ni deux, je réveille tout le monde et on part en bateau pour aller les identifier. C’est la première fois que je rencontre les résidentes du nord et je ne pouvais rêver mieux pour mon dernier jour ! j’avais perdu espoir de les voir avant mon départ.
Ici ce sont des photos des nomades. J’avais oublié ma batterie dans la panique le jour de ma rencontre avec les résidentes.
La vie au cetacealab
La vie au CetaceaLab ne se résume pas aux gardes. Le reste du temps, nous aidons à l’entretien du lieu : transport et coupe du bois, gestion et entretien du système électrique (générateurs en cas de sécheresse, turbine hydraulique le reste du temps), cueillette de baies sauvages, entretien du feu, nettoyage, cuisine, vaisselle, déchargement et rangement des provisions… bref, une participation à la vie en communauté.
Lorsque les baleines sont nombreuses et très éparpillées, nous allons aider le volontaire de garde dans sa tâche. Occasionnellement, des bateaux de tourisme de luxe viennent nous rendre visite pour avoir un aperçu de notre travail. Il arrive donc, surtout en fin de saison, que nous fassions des visites guidées.
En dehors de ces tâches quotidiennes, nous avons beaucoup de temps libre que nous occupons à lire (beaucoup), à écrire (pour certains), à faire du kayak (souvent), à parcourir l’île et à observer et photographier la faune abondante : les baleines (bien sûr), les pygargues à tête blanche qui élèvent leur petit dans leur nid, les loups ou l’ours qui se promènent sur la plage, les saumons qui remontent le courant, les lions de mers en pleine pêche, les phoques et les éléphants de mer qui passent par là, les marsouins, les oursins, les étoiles de mer et j’en passe… Le soir nous dînons tous ensemble. Parfois nous partageons notre « Highlight of the day », tradition Gitga’at qui consiste à faire un tour de table pour évoquer et remercier le meilleur moment de notre journée (souvent difficile à choisir !). Puis nous regardons un film ou une série (en dvd évidemment) avant d’aller nous coucher. Alors que tout le monde dors déjà, je m’essaye à la photographie nocturne étant donné la voie lactée que nous offrent les superbes nuits étoilées. Peu d’entre nous réussissent à rester éveillés jusqu’à l’ouverture de l’accès internet à minuit. Nous nous endormons souvent au son des souffles ou des vocalisations de baleines.
Pour le reste, la vie est simple mais tout le confort y est : salon intérieur, TV (non connectée), électricité pour recharger les batteries, chauffage au poêle à bois, gazinière, table de pic nique, machine à laver, douche chaude extérieure, baignoire extérieur avec vue, toilettes classiques. Seul le logement se fait en tente personnel que vous devez apportez vous même ainsi que tout votre équipement (matelas, duvet, coussin, bâche).
Pour conclure
Ma mission au CetaceaLab fut clairement une des meilleures et une des plus inoubliables expériences que j’ai pu vivre dans ma vie. Le lieu est tout simplement magique, la rencontre des baleines quasi quotidienne, le travail intéressant, la rencontre de personnes enrichissantes, la découverte d’une culture et d’un mode de vie simple, dans la nature, en autonomie énergétique. Je ne peux que recommander à quiconque aime la nature intacte, les baleines et la vie déconnectée en tout simplicité. Dépaysement et enrichissement garantis !
Devenir écovolontaire
L’écovolontariat au CetaceaLab se fait sur candidatures après diffusion de l’offre de l’association sur son site Whale Point ou sur sapage Facebook au courant du mois de janvier. Un CV, une lettre de motivation puis s’en suivent un entretien skype et une réponse finale courant février ou mars.
Les missions sont d’une durée de 4 à 8 semaines et couvrent tout l’été de mai à septembre. Les missions de plus de 6 semaines étant privilégiées.
Les frais de participation sont de 175$ par semaine, nourriture et transport depuis Hartley Bay compris. Le logement est compris mais vous devrez apporter votre propre matériel de camping. Vous devrez vous rentre à Hartley Bay par vos propres moyens et souscrire à une assurance voyage couvrant ce type de mission en lieu isolé.
Pour ma part, je me suis assurée chez Chapka Assurances.
Aider les orques
Pétition pour la destruction des barrages empêchant la remonté des saumons.
Pétition contre le projet d’oléoduc Trans Mountain.
En savoir plus (sources)
Article : With Food Source Endangered, Southern Resident Killer Whales Face Extinction, Curtis Johnson, Truthout, 4 septembre 2018.
Article : How Killer Whales Went from Hated, to Adored, to Endangered, National Geographic, août 2018
Livre : Listening to whales, Alexandra Morton, 2002.
Livre : Hawaii’s Humpbacks: Unveiling the Mysteries, Jim Darling, 2009
Livre : The Oil Man and the Sea: Navigating the Northern Gateway, Arno Kopecky, 2013
Vidéo : Oui aux orques, non aux fermes de saumon – Dr. Paul Spong, Sea Shepherd, 11 septembre 2018
Vidéo : Op Virus Hunter III – End of Campaign, Sea Shepherd, 17 septembre 2018
Documentaire : Blackfish, Gabriela Cowperthwaite, 2013
Super reportage ! J ai adoré, j y étais … et très enrichissant
Bravo Quelle magnifique expérience !
Ton article était juste passionnant !
Merci pour ce beau partage. Ça donne tellement envie de s’engager dans ces missions
Superbe article !!
Une question, avons-nous besoin de compétence particulière pour participer à l’aventure ?
Non, pas de compétence particulière. Une grande motivation et une passion pour les baleines suffisent. Si tu as des expériences ou une formation dans le domaine ça peut être un plus mais tout le monde a ses chances.
Coucou 🙂
Merci beaucoup pour ton article qui est top et pleins de précieux conseils 🙂
Je me suis inscrite pour deux mois,j’attends l’entretien Skype en croisant les doigts pour que ce soit accepté 🙂
Tu disais que tu as fait la traversée Montréal Vancouver en Van, en location ou c’etait le tiens?
Merci d’avance pour ta réponse 🙂
Julia
Bonjour Julia, je croise les doigts pour que tu sois prise ! J’avais acheté mon van à Montréal pour la traversée. Je l’ai remisé pour l’hiver à Vancouver et l’année d’après je l’ai ramené à Montréal en traversant les USA pour le revendre.
Quelle merveilleuse expérience, je garde l’idée pour postuler en 2021 cette année ça va être difficile avec mon nouveau travail.
Bonjour,
Merci pour ton article que je relis très souvent. Je pense postuler en janvier pour la saison 2022! C’est le moment ou jamais.
Un seul point me fais cogiter… Je suis déjà partie plusieurs fois en voyage seul, donc à Vancouver pendant plusieurs, la seul différence était que je pouvais rester connecter avec mes proches, chose qui peut être rassurant de temps en temps.
Comment as tu vécu de partir si loin , seul et sans être rattachée « à la civilisation » ? J’imagine que c’est bouleversant au début ?
Merci pour ton retour!
Très bonne journée
Salut,
J’ai l’habitude de partir seule parfois dans des zones vraiment isolées. Quand il y a du réseau ça va c’est pas trop un soucis pour garder le contact et je mets le partage de ma position gps pour rassurer mes proches. Pour ce qui est du volontariat sur Gil Island en lui-même, on a beau être isolé avec très peu de contact extérieur, on n’est pas seul sur place, c’est plutôt bien encadré et on est en permanence avec d’autres volontaires. J’espère vraiment que tu pourras y participer, ça a été une expérience incroyable pour moi. N’hésite pas à venir m’en parler en priver sur les réseaux ou par mail si tu le souhaites.
Aurélie
Bonjour,
Je serais intéressée pour ce projet mais je ne vois rien de mis à jour sur les sites et sur la page FB où j’ai pu me rendre… Aurais-tu un URL précis ou des infos, à savoir s’ils mènent encore ces projets ?
Merci !
Bonjour, avez-vous essayé de les contacter via cette adresse whalepoint@outlook.com ? Je ne sais pas s’ils proposent toujours des missions suite à la pandémie, mais en général ils font les recrutements à peu près à cette période pour l’éte.
Bonjour,
Merci pour ce super article !
J’ai essayé de les joindre avec cette adresse mail mais je reçois un mail d’erreur. Auriez vous un autre point de contact par hasard ? Merci beaucoup
Bonjour, vous pouvez essayer de les contacter via leur page facebook whalepoint ou leur site internet https://forwhales.org/contact-us/ ou https://www.whalepoint.org/
Bonjour Aurélie !
Merci pour ton partage. C’est beau !
Je m’appelle Sullivan, je vis dans un petit village du sud est de la France, en Drôme provençale.
A travers mes recherches sur internet, je découvre émerveillé, les activités d’observation du cetacealab, sur Gil island ( « Whale point », je vois qu’il y a une page Facebook ) pour la protection des cétacés, en collaboration avec le peuple Gitga’at.
Je vois en lisant tes écrits qu’il est possible de se joindre à l’équipe du Cetacealab, et de participer aux travaux de recherches en tant qu’écovolontaire.
J’aimerais beaucoup qu’on puisse connecter et que tu puisses me raconter cette expérience.
Il y a quelques jours, j’ai envoyé des mails à Janie, Hermann, whalepoint…en espérant établir un premier contact
Merci Aurélie !
Encore une fois, je serais très heureux de pouvoir échanger avec toi
Bonne journée !